12.07.10

je suis mon vestige pris dans l’ambre,
je dors,
je vis pour quelques jours encore en bretagne —
je suis, vitre à main droite et par quoi je discerne au soir deux corneilles successivement activées puis lenties contre de petites cheminées qu’à paris, depuis le balcon du temps que je vis avec p* je vois aussi (d’autres mais les mêmes), assise à la table de travail
— selon que le soleil ahurit les rideaux ou bien alors qu’un nuage passe, je baigne dans du cotignac à moins qu’une mandarine spumeuse, une eau teinte au moyen de telles atonies qu’elle me remémore cent siestes qu’enfant je refuse
(je suis le vertige pris dans l’ambre),
la souvenance à son tour contaminée de langueurs, d’indolence, d’accablements au point que je me sens malade, je ne sais d’où mais très, le corps par fatalité de mémoire un instant replacé (en dépit de mes déprécations) sur l’un des lits qu’on nous impose au terme du déjeuner à l’école maternelle et dans lesquels, suivant ce qu’alors j’en saisis, soit guère davantage qu’à présent, je me crois convaincue de devoir l’un ou l’autre après-midi mourir (ensuite infailliblement je réclame de peindre, et je peins en effet, je peins avec immodération face à ce qu’on n’appelle pas encore un paper board) —,
un lit est dans mon dos, précisément un matelas, pas autrement épais qui plus qu’un châlit, pour qui sait ce qu’on instille de folklore cool — à sa main par exemple ce cendrier froidi, un clope et qu’on entend souffle à souffle pétiller dans l’ablution d’ambre, une espadrille ou des colliers, le petit tas tabac d’une robe (la chiffe qu’on a aimé trousser) —, insinue qu’y besogner peut complaire, ce lit donc, par-derrière, dont il me semble aux étrangetés qu’il m’inspire qu’on vient de le caser en douce dans la pièce
— je dors à hénin pour une cause que je ne perce pas, ma mère occupant par décret le mien durant mon séjour, dans le lit des parents ; je dors côté père, je dors bord du père mort, au quai sur quoi il ne meurt pas mais au fond c’est égal, c’est quoi qu’il en soit son contour, oblitéré plein le petit brai cireux du temps et le mien par-dessus, nous nous accumulons dans le courroux et les ans tandis que je m’efface à sa semblance et sans que personne après moi, jamais, qui fût de mon sang ne s’empreigne à son tour
(parrain marcel que ma tante au matin nourrit d’un bol de thé, de deux biscottes avec une pomme en tranches me reçoit enfant dans son lit où nous faisons abondamment salon, son lit est ma maison, j’y apporte mes livres, j’obtiens à tout coup qu’il fasse, ayant replié paris-normandie sur la couette, courir ses ongles — qu’il ne porte pas courts — sur mes deux bras et puis mes jambes (une seule femme a jusqu’ici la patience de me satisfaire aussi scrupuleusement), nous débattons, je me fais jour à jour narrer la grande guerre qu’il vit garçon, à l’âge (un peu davantage en réalité) qu’on lui attribue sur le tableautin qui quand nous sommes au lit nous domine (j’en redevine aujourd’hui le gros melon tondu ou bien des guiches, la lippe et dont à un siècle de là je promène le deuil, les bottines, le joujou qu’il serre entre ses mains ; la robe évidemment, qui m’éberlue), souvent il m’apprend que morts nous aurons des ventrées, que l’on nous servira du miel sur des nappes impolluées cependant qu’ad vitam les azurs bleus bruiront des airs d’elvis presley)
— ce lit donc et ici, où croissent en abondance des fougères dont enfant je traque les frondes sur le caillou des crassiers je rêvasse, strate à strate assise à la table de travail et ce lit dans mon dos, aux courtes crosses que je leur vois pousser, verdelettes et puis un peu pelues, pomme, contre les exhalaisons fraîchies, pourries des sous-bois, corrompues avec délices,
j’éprouve à la table de travail avec ce grabat par-derrière en songe et sous mon pas l’humus musculeux que ces crosses crèvent
et qu’il me faut, très empêtrée dans la détrempe orangée des méridiennes, au bain du tue-mouche, poser une à une puis colliger, cause qu’elles sont sans âge, en façon de barrage à ma sieste :
mais quel enfant grand — quand ? — et dans combien de couches, et quelles, son corps estampé ? — les détectera figées pour jamais sur la pierre, en plein cœur un beau jour d’un jour sans nous ?
je vis pour quelques jours encore en bretagne,
je veille,
je suis mon vertige pris dans l’ombre.

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