01.09.09

enfant je ne crains ni les arbres, où je grimpe, les orties dans quoi parfois je chois ni de voir se bistourner au feu les fanes odoriférantes des pommes de terre. c’est un temps d’entailles. j’aime le capitule bleu, la couronne que sur la gazinière ma mère oblige à radier. je redoute en revanche la brûlure, de sorte qu’un midi d’été, proche la mer où je joue avec ce petit garçon dont je guigne les sœurs car elles sont noiraudes et m’attirent comme des bohémiennes, l’une un peu grasse quand l’autre cep : france thérèse, luce armelle — leurs prénoms luisent — ils me font des béances (tôt songeant aux filles je bée ténébreusement) — chez eux l’on chie ses tartines par une planche percée qui m’épouvante à l’égal des constrictions que j’inspire à leur père et qui me broient —, je précipite un bif à terre, qu’on m’a chargée de tourner sur son grill. mon oncle tonne, ma tante accourue passe prestement sous le jet le muscle bon, hampe ou l’onglet, je ne pleure pas — alors je pleure peu — je désire de mourir. je garde impollué le souvenir du bif, du bout vineux contre les grandes tomettes, ses éclats sur le ponceau et depuis lui le reste vient, bassine ou de l’alu beaucoup, le cendrier du mont-dore, deux chambres, mon lit au soir gravi d’où le matin j’entends, le reste vient, invariables, des cloches follement puis les canes à chaque aube ahuries par tout ce bronze en quantité brimbalant l’air bleu, le casuel à l’inverse, luce armelle et france thérèse, le reste vient, l’huileuse un peu ou la sécote, leur frère qui est joli mais ne me hoche pas, qui se violace dans l’eau de mer. le reste vient. je viens. dans les années qui sont un lieu je viens. je ne fais que venir.

6 commentaires:

Brigetoun a dit…

merci de m'avoir invitée à cette découverte

Les TAC a dit…

Merci à vous d'être venue.

robinson a dit…

Oh, Danièle, chapeau bas.
La langue, l'ellipse, l'émotion tenue, tout est du bronze.
Si j'avais de la mémoire je l'apprendrais par coeur.

albin, journalier a dit…

tranche de vif de beau.

Nicolas Vasse a dit…

j'aime cette richesse et ce rythme. merci pour de si beaux textes danièle.

Lucien Suel a dit…

Quelquefois, lisant cela, je pense aussi à Mauricette... cette façon de raconter les souvenirs de la petite fille.